27 juillet 2020

Je déteste l’été.

Vraiment. L’été est de loin pour moi la pire saison de l’année. Déjà parce que, par définition, il y fait chaud et que la chaleur a sur moi des effets désastreux : une production surabondante de sueur qui emprisonne le corps dans une cage gluante et puante (désolé), des maux de crânes qui frappent à un rythme inégal, des piqûres de moustiques et des démangeaisons qui sont le prix à payer pour pouvoir laisser ouvert les fenêtres lors des sombres moments de fraîcheurs, une recherche effrénée et épuisante des endroits où l’on ne cuira pas trop et la satisfaction insupportable des pro-chaleurs fatalement incapables de comprendre. Mais l’été c’est également, au delà des désagréments physiques qui se rajoutent à ceux existants le reste du temps, une cohorte de mauvais souvenirs et de rendez vous ratés avec moi même.

L’été est une saison pourrie aussi car avec le ralentissement des activités sociales, bon cette année en plus on a la COVID donc c’est encore plus abusé, on a du temps pour réfléchir. Et réfléchir dans cette situation, où tout autour de moi me fait me sentir mal, fait ressortir abondamment mes névroses (manque de confiance en soi, sentiment d’inutilité/de nullité) et me plonge dans un mal être des plus désagréables. Aussi, afin de lutter contre ces pensées destructrices, j’ai décidé de coucher sur le papier enfin sur l’Internet le maximum de ce que j’arrive à avouer.

Sans doute vais je me détester après avoir publié cela car même si je sais au fond de moi que j’en ai besoin (rien que le fait d’écrire là m’a déjà pas mal apaisé), je n’apprécie pas plus que ça d’écrire avec la sensation de n’agir que pour être plaint ou réconforté.

Mais comme le disent les fusées, à un moment donné il faut bien se lancer. Donc laissez moi vous conter une part de mon enfance.

Plus jeune, en dehors des moments où je partais en vacances avec ma famille, séjours toujours un peu compliqués pour moi puisque uniquement faits avec la famille proche car l’on devait suivre un rythme de voyage et des destinations s’adaptant à l’autisme de mon petit frère et que j’avais déjà le réflexe d’éviter à mes parents le caprice de mes propres envies, j’étais soit seul chez mes parents soit seul lors des séjours dans la maison campagnarde de ma grand mère que j’adore (elle a eu 94 ans il y a quelques jours et est toujours supra cool, c’est la meilleure d’entre nous) mais qui ne pouvait avoir la prétention d’être une réelle camarade de vacances.

Toute ma jeunesse, de l’école élémentaire jusqu’à une bonne partie de mes études supérieures pourrait être résumer ainsi : je n’avais pas d’ami.

Et je n’ai donc pas connu beaucoup de ces moments d’étés de franche camaraderie joyeuse et innocentes comme il en regorge dans les films et les mangas. C’est une frustration extrême qui s’ajoute à la pile des autres qui vont de la situation sentimentale à la “réussite” sociale.

Mais pourquoi donc cette solitude ? Vaste question.

A l’école primaire, déjà, mes camarades m’ignoraient royalement. Je n’étais pas du tout en danger, juste mis de côté comme un vieux chargeur au fond d’un tiroir. Mais puis je réellement blâmer les autres enfants car, bien que les souvenirs de cette époque soient flous et que je ne comprenne toujours pas à ce jour pourquoi, je garde en moi cette certitude que je ne savais pas réellement comment ni pourquoi me faire des amis et qu’au fond j’ai fini par me complaire plus qu’autre chose dans cette petite solitude et que je refusais d’en voir la souffrance qu’elle m’auto infligeait.

Au collège, ce fut rapidement la fin de mes tentatives d’interaction. J’ai passé en effet 4 années à me faire régulièrement harceler et cela a parfois, fort heureusement peu souvent, tourné à l’agression. Visiblement, avoir une année d’avance et être doué en classe et nul en sport (une constante de mon existence) étaient des raisons suffisantes pour cela. La seule personne de mon âge qui voulait bien m’adresser la parole était un gars, dont j’ai oublié le nom, qui subissait le même traitement. Ne voulant toujours pas inquiété mes parents, j’ai bien entendu tenter de n’en laisser qu’un minimum transparaître à mes parents et visiblement mon silence n’avait pas l’air de gêner un corps enseignant incapable d’agir.

Je pourrais multiplier les anecdotes malheureuses du collège mais gardons ça pour un futur billet. Sachez toutefois que j’ai eu la “joie” d’apprendre il y a de cela quelques temps en retournant là bas, par une curiosité morbide et un brin masochiste qui m’est pourtant peu familière, pour une inauguration que des rumeurs ont continué à circuler sur mon compte dans l’établissement des années après mon entrée au lycée comme quoi je serais passé à “C’est mon choix” ou que je m’étais suicidé. J’ai même eu la désagréable surprise de retrouver un vieux tag avec mon nom de famille suivi de “PD” sur l’un des murs de la cour.

Autant vous dire que si l’un de mes camarades de classe de l’époque se pointait un jour devant moi, je ne veux même pas imaginer ma réaction et je leur souhaite sincèrement de rater leur vie de la manière la plus absurde possible sans croiser la mienne.

Le lycée ne fût pas vraiment mieux. Après m’être fait ce que je pensais être des amis, ils m’ont rapidement tourné le dos au bout de quelques semaines en me traînant eux même dans la boue et en se moquant ostensiblement de mon isolement. Là encore, je n’ai rien dit et pas reçu grand support non plus.

Ironie tragique mais banale, lorsque je me suis retrouvé en situation de harceler et d’exclure quelqu’un des années plus tard, je l’ai fait sans m’en rendre compte et sans chercher à m’excuser lorsque j’en ai eu la possibilité. Je pense que je ne me le pardonnerais jamais.

Ces événements ont forgé en moi une paranoïa assez forte couplé à un hypersensibilité à la trahison et à une intolérance très élevée au manque d’empathie, à l’insensibilité et à la stupidité intellectuelle. Si vous me connaissez, évitez à tout prix l’indifférence ou le silence, déjà parce que c’est pas sympa, ensuite parce qu’il y a 99% de chance que j’aille pourrir votre vie jusqu’à ce que la situation soit claire.

Voilà, il commence à se faire tard et je ne peux dire à vous, brave gens, poussons donc un peu. Je m’arrêterais là pour cette fois mais je pense continuer cet exercice. Ce qui est dehors est un peu moins dedans.

14 février 2019

Pour vous dire la vérité , je crois que je ne vais pas très bien chaque année à la Saint Valentin.

Comme tout être humain, j’ai beaucoup de défauts. Je suis lâche, radin, envieux, peureux, pas toujours très courtois et râleur, j’aime trop être au centre de l’attention, je suis incapable de résolution dès lors qu’il s’agit de passer à l’acte alors que je suis un têtu quand il s’agit de théorie, j’ai mes perversités peu avouables et je suis incapable de savoir quand, à qui, comment et où parler de mes difficultés personnelles. Mais surtout je suis extrêmement nul et désemparé dès lors qu’il s’agit d’aborder l’amour ou l’affection. Je n’ai pas de talent pour ça et contrairement aux autres domaines où c’est le cas, celui-ci me pétrifie autant d’angoisse qu’il me submerge d’incompréhension. Bref, c’est pas mon truc, je le sais et pourtant je ne cesse de me reprocher d’être seul alors que je n’arrive pas à me résoudre à entamer le premier pas pour changer ma situation.

Longtemps, je me suis résolu à rester seul. Pour de bonnes raisons, le gamin faiblard, trop timide et maladroit, le martyr des cours de récré apprend vite que l’autre est l’ennemi et que chaque croisement de regard d’un autre enfant/ado peut amener sa dose de problèmes. Pour de mauvaises raisons aussi car le nihilisme de mon adolescence m’a poussé à cultiver ma posture de victime au delà de ses conséquences réelles pour me définir totalement. Je devais être différent de la masse, finir tout sauf comme ceux qui m’avaient fait mal, devenir meilleur donc fatalement un autre. Là où ils avaient la force et le nombre, je devrais être l’intelligence et la fierté de se faire seul. On sous estime beaucoup la tranquillité que vous laisse le système éducatif et la famille quand vous ramenez de bons bulletins. Il ne reste plus qu’à enfermer un peu les doutes et jouer en permanence au solitaire résolu. Et l’adolescence se finit ainsi.

Ironiquement, le fait de se revendiquer seul a une conséquence paradoxale et tragique : on refuse la main tendue. C’est ainsi que j’ai royalement et cyniquement ignoré la seule écolière qui à l’époque avait trouvé le courage de m’appeler au téléphone une après midi de vacances pour me glisser un “Je t’aime.” puis raccrocher. Je m’en suis moqué, me disant qu’elle aussi me faisait une farce cruelle de plus. Des années après, j’ai réalisé qu’elle aussi était en réalité une exclue. Aînée d’une famille précaire vivant dans une maison qu’on aurait pas construit en pire endroit, elle n’avait pas non plus d’ami et moi qui aurait dû comprendre sa situation de paria, j’ai fait de même que les autres et l’ai rejeté. Je n’aurais probablement jamais la possibilité de m’excuser Philomène mais tu m’auras appris à me méfier à vie de mon côté ordurier et sans cœur.

Ce n’est qu’une fois mes 20 ans passés que j’ai commencé à nouer mes premières réelles amitiés. Des amitiés entre exclus bien souvent, le petit groupe soudé en dehors des gros groupes intégrés. Des rencontres quasi exclusivement non-féminine car en tant qu’étudiant dans le domaine informatique, vous vous doutez bien que la mixité n’est pas trop ce qui caractérisait nos classes. C’est aussi l’époque où j’ai commencé à bien fréquenter la sphère otaku, pas le même domaine mais la même caractéristique, renforcée par le fait que j’étais à presque 5h de train de la région parisienne.

Mais en réalité, ces changements positifs dans ma vie n’ont jamais apaisé ma solitude affective. Il y a des choses que les amis ne peuvent faire, ne doivent pas faire. Car à la fin de la journée, les amis ne sont plus là, ils sont rentrés chez eux et l’on se retrouve seul avec nos deux bras qui peuvent faire beaucoup de choses mais pas tapoter dans notre propre dos. On peut se dire que tout ira mieux demain mais ces paroles ne marquent vraiment que venant de l’autre comme l’on sait que l’on y croit pas nous même tandis que l’autre peut ne pas nous mentir.

Je sais que j’ai encore beaucoup de travail pour devenir l’être humain que je voudrais devenir mais j’ai l’impression qu’une vie ne suffira pas à régler tous mes problèmes. Le plus impressionnant reste l’étonnante facilité qu’ont certains à envisager le couple alors que moi rien que l’idée d’installer Tinder et d’y mettre ma photo me terrifie. Je hais mon propre corps, j’ai une indifférence très prononcé pour mon apparence et je suis très mal à l’aise lorsqu’on me touche, imaginez l’angoisse qui me prend lorsque j’imagine une autre me juger sur tout ça. Alors j’esquive puis je me plains à moi même avant d’esquiver à nouveau et de me barricader pour ne pas répondre à des questions qui me hantent comme “Et si finalement j’avais plus d’attachement envers un personnage en 2D ou au chat de mes parents que pour les autres êtres humains ?” , “Pourquoi pleures tu si facilement devant un film et ne l’as tu pas fait à l’enterrement de ta grand mère ?” , “Comment peux tu être à ce point maladroit et si peu attentionné à ta réalité proche alors que tu es capable de te passionner à fond pour des récits politique qui te dépassent ?”. J’ai horreur de ne pas savoir et d’être pris en défaut pour ça mais ces réponses là je ne sais toujours pas où les trouver.

Alors me voilà, seul. Perdu et apeuré. Triste et sans réel horizon visible. Je n’ai juste plus 12 ans, la cour de récré s’est sacrément agrandie et j’y ai des amis et des potes mais parfois c’est vrai que lorsque les larmes reviennent, j’aimerais tellement qu’elles glissent sur une autre personne et qu’elle me réconforte de sa douce chaleur humaine.

Nemo