Pour vous dire la vérité , je crois que je ne vais pas très bien chaque année à la Saint Valentin.

Comme tout être humain, j’ai beaucoup de défauts. Je suis lâche, radin, envieux, peureux, pas toujours très courtois et râleur, j’aime trop être au centre de l’attention, je suis incapable de résolution dès lors qu’il s’agit de passer à l’acte alors que je suis un têtu quand il s’agit de théorie, j’ai mes perversités peu avouables et je suis incapable de savoir quand, à qui, comment et où parler de mes difficultés personnelles. Mais surtout je suis extrêmement nul et désemparé dès lors qu’il s’agit d’aborder l’amour ou l’affection. Je n’ai pas de talent pour ça et contrairement aux autres domaines où c’est le cas, celui-ci me pétrifie autant d’angoisse qu’il me submerge d’incompréhension. Bref, c’est pas mon truc, je le sais et pourtant je ne cesse de me reprocher d’être seul alors que je n’arrive pas à me résoudre à entamer le premier pas pour changer ma situation.

Longtemps, je me suis résolu à rester seul. Pour de bonnes raisons, le gamin faiblard, trop timide et maladroit, le martyr des cours de récré apprend vite que l’autre est l’ennemi et que chaque croisement de regard d’un autre enfant/ado peut amener sa dose de problèmes. Pour de mauvaises raisons aussi car le nihilisme de mon adolescence m’a poussé à cultiver ma posture de victime au delà de ses conséquences réelles pour me définir totalement. Je devais être différent de la masse, finir tout sauf comme ceux qui m’avaient fait mal, devenir meilleur donc fatalement un autre. Là où ils avaient la force et le nombre, je devrais être l’intelligence et la fierté de se faire seul. On sous estime beaucoup la tranquillité que vous laisse le système éducatif et la famille quand vous ramenez de bons bulletins. Il ne reste plus qu’à enfermer un peu les doutes et jouer en permanence au solitaire résolu. Et l’adolescence se finit ainsi.

Ironiquement, le fait de se revendiquer seul a une conséquence paradoxale et tragique : on refuse la main tendue. C’est ainsi que j’ai royalement et cyniquement ignoré la seule écolière qui à l’époque avait trouvé le courage de m’appeler au téléphone une après midi de vacances pour me glisser un “Je t’aime.” puis raccrocher. Je m’en suis moqué, me disant qu’elle aussi me faisait une farce cruelle de plus. Des années après, j’ai réalisé qu’elle aussi était en réalité une exclue. Aînée d’une famille précaire vivant dans une maison qu’on aurait pas construit en pire endroit, elle n’avait pas non plus d’ami et moi qui aurait dû comprendre sa situation de paria, j’ai fait de même que les autres et l’ai rejeté. Je n’aurais probablement jamais la possibilité de m’excuser Philomène mais tu m’auras appris à me méfier à vie de mon côté ordurier et sans cœur.

Ce n’est qu’une fois mes 20 ans passés que j’ai commencé à nouer mes premières réelles amitiés. Des amitiés entre exclus bien souvent, le petit groupe soudé en dehors des gros groupes intégrés. Des rencontres quasi exclusivement non-féminine car en tant qu’étudiant dans le domaine informatique, vous vous doutez bien que la mixité n’est pas trop ce qui caractérisait nos classes. C’est aussi l’époque où j’ai commencé à bien fréquenter la sphère otaku, pas le même domaine mais la même caractéristique, renforcée par le fait que j’étais à presque 5h de train de la région parisienne.

Mais en réalité, ces changements positifs dans ma vie n’ont jamais apaisé ma solitude affective. Il y a des choses que les amis ne peuvent faire, ne doivent pas faire. Car à la fin de la journée, les amis ne sont plus là, ils sont rentrés chez eux et l’on se retrouve seul avec nos deux bras qui peuvent faire beaucoup de choses mais pas tapoter dans notre propre dos. On peut se dire que tout ira mieux demain mais ces paroles ne marquent vraiment que venant de l’autre comme l’on sait que l’on y croit pas nous même tandis que l’autre peut ne pas nous mentir.

Je sais que j’ai encore beaucoup de travail pour devenir l’être humain que je voudrais devenir mais j’ai l’impression qu’une vie ne suffira pas à régler tous mes problèmes. Le plus impressionnant reste l’étonnante facilité qu’ont certains à envisager le couple alors que moi rien que l’idée d’installer Tinder et d’y mettre ma photo me terrifie. Je hais mon propre corps, j’ai une indifférence très prononcé pour mon apparence et je suis très mal à l’aise lorsqu’on me touche, imaginez l’angoisse qui me prend lorsque j’imagine une autre me juger sur tout ça. Alors j’esquive puis je me plains à moi même avant d’esquiver à nouveau et de me barricader pour ne pas répondre à des questions qui me hantent comme “Et si finalement j’avais plus d’attachement envers un personnage en 2D ou au chat de mes parents que pour les autres êtres humains ?” , “Pourquoi pleures tu si facilement devant un film et ne l’as tu pas fait à l’enterrement de ta grand mère ?” , “Comment peux tu être à ce point maladroit et si peu attentionné à ta réalité proche alors que tu es capable de te passionner à fond pour des récits politique qui te dépassent ?”. J’ai horreur de ne pas savoir et d’être pris en défaut pour ça mais ces réponses là je ne sais toujours pas où les trouver.

Alors me voilà, seul. Perdu et apeuré. Triste et sans réel horizon visible. Je n’ai juste plus 12 ans, la cour de récré s’est sacrément agrandie et j’y ai des amis et des potes mais parfois c’est vrai que lorsque les larmes reviennent, j’aimerais tellement qu’elles glissent sur une autre personne et qu’elle me réconforte de sa douce chaleur humaine.

Nemo

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